CHARTE D’UTILISATION DE L’IA AU SEIN DU MOUVEMENT GBU
Préambule
Dans un ministère qui existe pour servir Dieu et les autres, le respect de la confidentialité des données est essentiel, et ce d’autant plus que les personnes que nous servons peuvent être mineures. Or, lorsque des informations sont renseignées dans une IA pour qu’elle les synthétise, les corrige ou les analyse, elles peuvent être enregistrées et leur confidentialité n’est en général plus assurée. Cela pose un problème moral de respect de la personne, mais crée aussi un risque juridique pour le mouvement GBU. Il nous est donc nécessaire d’être prudents dans notre utilisation de l’IA.
Introduction
L’intelligence artificielle (IA) offre des opportunités pour le développement et l’approfondissement des activités et de la mission des GBU, des GBL et des Réseaux Professionnels, mais elle présente aussi des défis et des risques importants. Cette charte a donc pour objectif de :
- sensibiliser les différentes parties prenantes du mouvement aux enjeux bibliques et éthiques de l’intelligence artificielle, – prévenir des risques liés à son utilisation,
- fournir des lignes directrices pour une utilisation responsable et appropriée au sein de notre mouvement, conformément à la vision chrétienne du monde et aux différents documents encadrant nos activités (statuts, règlement intérieur, vision, base doctrinale, charte RGPD, etc.).
Le groupe de travail qui a rédigé cette charte à la demande du Conseil National (CN) était composé de 3 représentants du CN (collèges A et B), 2 étudiants représentants du CEE et 2 équipiers. Cette charte a été validée par le CN le 10 octobre 2025. Elle fera l’objet d’une révision par le CN dès que les évolutions technologiques futures le rendront nécessaire.
1. Champ d’application
Cette charte s’applique :
- aux équipiers ;
- aux membres du CN dans le cadre de leurs missions aux GBU ;
- aux étudiants et lycéens responsables de groupes, délégués régionaux et membres de commissions, dans le cadre de leurs missions aux GBU ;
- et de manière indirecte aux étudiants et lycéens qui préparent des Discussions autour de la Bible (DAB).
2. Qu’est-ce qu’une IA ?
Une intelligence artificielle (IA) est un système automatisé basé sur une machine, conçu pour faire preuve d’une capacité d’adaptation et réaliser des tâches cognitives requérant typiquement une intelligence humaine (créer du contenu, faire des prédictions, prendre des décisions…). C’est une technologie de traitement de l’information, fondée sur des principes et modèles mathématiques issus, sans s’y limiter, de l’algèbre linéaire, des statistiques, des probabilités ou de l’optimisation. En ce sens, les chatbots ou agents conversationnels par exemple sont des fonctions mathématiques qui calculent la réponse la plus probable à vos questions selon les données qui leur ont été fournies en amont.
Il existe plusieurs façons de classifier les intelligences artificielles (niveau d’intelligence, architecture, méthode d’apprentissage, domaine d’application…). En particulier, la grande majorité des IA popularisées aujourd’hui (Chat-GPT, Gemini, Mistral, Midjourney, etc.) appartiennent à la sous-catégorie de l’apprentissage automatique (« Machine Learning »), dans laquelle les systèmes utilisent de grandes quantités de données pour apprendre et améliorer leurs performances sans être explicitement programmés. Parce que ce sont les plus utilisées par le grand public, nous prenons le temps d’expliquer brièvement leur fonctionnement.
En termes de fonction, ces IA sont créées pour générer du contenu (texte, images, musique, vidéos, code de programmation…). On parle d’IA générative. Cependant, avant de pouvoir être opérationnelles, elles doivent être entraînées. C’est-à-dire qu’elles vont, à partir des modèles mathématiques choisis à leur conception, établir des relations statistiques entre des mots (pour de la génération de texte) ou des pixels (pour la génération d’images) issus des données qui leurs sont fournies. Une fois mises en service, elles calculent les mots ou les pixels les plus probables en réponse à votre demande, selon ce qu’elles auront appris. Un exemple simple pour une IA générative de texte comme Chat-GPT :
Vous entraînez une intelligence artificielle avec des textes trouvés sur Internet portant sur les pays et leurs capitales. Paris étant la capitale de la France, dans la grande majorité de ces textes d’entraînement, le mot “Paris” sera dans une phrase contenant également les mots ”capitale” et “France”. Si vous lui demandez ensuite : « Quelle est la capitale de la France » ? Votre IA assignera des probabilités à différents mots selon les motifs récurrents qu’elle aura identifié pendant son entrainement :
- Ventilateur : 0.005%
- Baguette : 0.5%
- Marseille : 5%
- Paris : 94%
Elle vous donnera la réponse la plus probable : « La capitale de la France est Paris ! ».
Mais si cette IA est entraînée à partir de textes erronés dans lesquels Marseille est plus souvent mentionnée comme la capitale de la France, elle assignera les probabilités encore une fois selon ce qu’elle aura appris, par exemple :
- Baguette : 0.5%
- Berlin : 4%
- Paris : 40%
- Marseille : 55%
Sa réponse à votre question sera : « La capitale de la France est Marseille ! ».
Notez enfin que si l’IA ne possède pas de données sur la question que vous lui posez, elle vous donnera tout de même une réponse. On parle d’hallucination. Une IA entraînée sur des textes de recettes de pâtisserie à qui l’on demande la capitale de la France pourra vous répondre “Baguette” ou “Croissant”.
Le principe est le même pour toute IA générative, que ce soit du texte, des images, de la musique etc.
Ces notions de biais (fournir une réponse erronée à cause de données d’entraînement erronées) et d’hallucinations (fournir une réponse hors contexte par manque de données d’entraînement pertinentes) peuvent poser de sérieux problèmes quand les réponses semblent probables et qu’elles sont difficilement vérifiables.
3. A quoi sert une IA ?
L’IA peut servir à :
a) Analyser des données.
Elle permet de traiter et d’analyser de grandes quantités de données pour fournir de nouvelles perspectives et compréhensions. Elle peut ainsi aider à la prise de décision.
b) Améliorer la productivité.
Elle aide à rédiger des documents, des emails ou des comptes-rendus de réunions, à gérer des tâches, à organiser son emploi du temps, etc. Elle peut ainsi faciliter l’organisation des activités et améliorer la communication.
c) Faciliter la recherche et l’éducation.
Elle permet de fournir des informations précises et des explications sur une variété de sujets : exégèse biblique, histoire, médecine, mathématiques, informatique, finance, droit, etc. Elle permet ainsi de soutenir la réflexion et de susciter de nouvelles idées.
d) Être un assistant quotidien.
Elle peut répondre à vos questions, vous donner des conseils, ou même raconter des histoires.
e) Stimuler la créativité.
Elle peut aider à générer des idées, écrire des textes, créer des images, des vidéos, de la musique. Elle permet ainsi de nouvelles perspectives artistiques.
4.Principes éthiques
L’IA n’est qu’un outil façonné par l’homme et est en elle-même dénuée de morale. Les enjeux éthiques résident donc principalement dans l’usage que nous choisissons d’en faire, mais aussi dans la manière dont ces technologies transforment notre société ainsi que notre rapport au monde et à Dieu.
En tant que chrétiens, nous sommes conscients de la présence du péché dans notre monde, y compris en nous-mêmes, et que cela peut influencer notre utilisation ou notre vision de l’IA. Nous reconnaissons également que toute technologie n’est jamais en elle-même totalement neutre, mais qu’elle est toujours ambivalente dans ses conséquences sur notre vie quotidienne, sur notre vision du monde, sur l’organisation de la société en général et sur notre relation avec Dieu.
Nous sommes néanmoins convaincus que tout outil humain peut être mis au service de Dieu : l’IA peut nous aider dans notre mission de formation et d’annonce de la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Pour ce faire, nous voulons l’utiliser d’une manière qui soit conforme à l’Evangile et aux principes bibliques en général, et qui reflète le Dieu que nous aimons et servons. Toute activité contraire à ces principes est interdite au sein de notre mouvement.
a) Respect et dignité
Parce que Dieu a créé chaque être humain à son image et qu’il respecte notre dignité et notre liberté, nous voulons utiliser l’IA de manière respectueuse et digne, en honorant chaque individu comme une créature de Dieu. Cela implique une réflexion sur la confidentialité, le droit à l’image et le respect des données personnelles et collectives. La question du consentement est également essentielle : l’utilisation d’une IA ne peut être imposée à d’autres.
b) Responsabilité
Parce que Dieu a fait de nous des êtres responsables, nous reconnaissons que notre responsabilité individuelle est engagée par l’utilisation que nous faisons de l’IA. Nous sommes responsables de ce que nous décidons, choisissons, produisons, enseignons et envoyons. « Ce n’est pas moi, c’est l’IA » n’est pas une excuse valable.
c) Vérité et intégrité
Parce que Dieu est pureté et vérité, nous voulons utiliser l’IA de manière honnête et pour promouvoir la vérité. Cela implique de ne pas propager de mensonge ou de fausses informations, d’agir avec intégrité, de réfléchir à l’éventualité de rendre reconnaissable les contenus générés par IA comme tels, de lutter contre le plagiat et de respecter la propriété intellectuelle.
d) Amour et justice
Parce que Dieu est amour et que son plan de salut s’adresse à l’humanité toute entière, nous voulons que notre utilisation de l’IA vise le Bien, soit au service des autres et ne nuise à personne. L’amour de Dieu et de nos prochains étant au coeur de l’Evangile, nous refusons d’utiliser l’IA de manière à détruire, discriminer ou exclure des individus. Une IA n’étant pas une personne, nous serons également vigilants à ne pas promouvoir une utilisation qui remplace les interactions humaines, essentielles dans l’évangélisation et la croissance chrétienne.
e) Discernement
Parce que Dieu est sagesse, nous voulons être lucides sur ce que l’IA peut apporter et sur ses limites, en l’utilisant avec discernement, avec l’aide du Saint-Esprit. Nous souhaitons développer une vision biblique des évolutions technologiques, en n’étant ni dans un enthousiasme naïf ni dans une méfiance contre-productive : ni technolâtres ni technophobes. Nous voulons nous rappeler que l’IA peut être utile mais qu’elle ne sauvera pas le monde, car seul Christ le peut. Cela est valable pour toute IA, y compris celles qui sont identifiées comme « chrétiennes » ou « bibliques ». Par ailleurs, nous voulons être vigilants quant aux enjeux écologiques, économiques et sociétaux liés à l’utilisation de l’IA, ainsi qu’à la manière dont toute technologie transforme notre vision du monde, notre être intérieur et notre rapport aux autres et à Dieu. Nous voulons cultiver notre liberté en Christ et ne pas nous laisser asservir par l’IA ou par l’utilisation que nous en faisons.
f) Centralité de la Parole de Dieu
Parce que Dieu s’est révélé à l’humanité, il est essentiel que nous creusions la Bible et que nous réfléchissions par nous-mêmes pour nous approprier les vérités bibliques. Dieu a doté l’être humain d’un cerveau puissant et nous souhaitons honorer notre Créateur en continuant à bien utiliser ce don qu’il nous a fait, et en apprenant à d’autres à faire de même. Nous sommes confiants dans le fait que par l’action du Saint-Esprit, Dieu nous transforme lorsque nous lisons, étudions et mettons en pratique sa Parole.
5. Risques de l’utilisation de l’IA
La connaissance des risques que présente l’utilisation de l’IA nous paraît indispensable afin d’incarner les 6 principes présentés ci-dessus. Voici une liste non exhaustive de ces risques :
a) Confidentialité et Sécurité
Les données transmises à l’IA peuvent constituer des informations personnelles. Celles-ci risquent d’être exploitées au-delà de la demande initiale, exposant l’utilisateur à d’éventuels abus.
b) Fiabilité
L’IA répond aux demandes en s’appuyant sur des bases de données. Elle n’est pas programmée pour délivrer la vérité mais pour restituer des informations disponibles qui peuvent être biaisées ou inexactes.
c) Ethique et Intégrité
L’IA peut être utilisée pour générer des images, des textes ou des voix imitant des personnes réelles. Son usage peut nuire à autrui de diverses manières.
d) Intellect
La facilité d’accès aux résultats fournis par l’IA peut, à long terme, affaiblir la réflexion personnelle et la démarche intellectuelle, rendant les individus moins enclins à chercher la vérité par eux-mêmes. Cela peut entraîner des risques de dépendance, de paresse, de perte de créativité, etc.
L’enjeu est d’utiliser l’outil pour l’avancée du royaume de Dieu, et pour gagner du temps, sans qu’il ne remplace le travail de préparation, essentiel à notre progression dans la connaissance de Dieu et de sa Parole.
6. Quelques bonnes pratiques dans l’utilisation de l’IA
Voici quelques idées de bonnes pratiques pour prévenir les risques évoqués ci-dessus :
a) Pour éviter le risque lié à la Confidentialité et la Sécurité :
- Ne pas renseigner d’information permettant d’identifier une personne : utiliser des pseudonymes.
- Ne pas renseigner d’informations internes au mouvement GBU, d’informations confidentielles, ou de photos de personnes identifiables.
- Vérifier les paramètres de confidentialité.
- Dans le cas d’une IA en ligne, se poser systématiquement la question de si les informations renseignées dans la demande pourraient nuire à une personne ou au mouvement GBU dans son ensemble.
- Ne pas utiliser d’IA si nous avons des doutes sur notre capacité à garantir la confidentialité et la sécurité des données renseignées.
- Prier et demander l’aide de Dieu pour avoir du discernement sur ces sujets.
b) Pour éviter le risque lié à la Fiabilité :
- Contrôler toutes les informations fournies par l’IA, sélectionner les parties voulues et retravailler le tout.
- Vérifier l’information en croisant d’autres sources, dans la Bible ou ailleurs.
- Être capable de citer ses sources pour une information ou de justifier un résultat.
c) Pour éviter le risque lié à l’Éthique et l’Intégrité :
- Utiliser l’IA comme outil d’aide à la créativité sans chercher à falsifier une information ou à induire en erreur.
- Indiquer clairement lorsqu’un contenu a été créé ou modifié par une IA.
- Respecter les lois en vigueur sur les droits d’auteur et la vie privée.
- Réfléchir aux conséquences potentielles avant de partager un contenu généré par l’IA.
d) Pour éviter le risque lié à l’Intellect :
- Prendre le temps de confronter les réponses de l’IA à des sources fiables.
- Prendre le temps d’élaborer ses propres idées avant de consulter l’IA, afin de comparer et enrichir sa pensée.
- Ne jamais utiliser la réponse de l’IA comme point de départ ou de conclusion de notre réflexion.
- Prier et demander à Dieu qu’il nous éclaire par son Saint-Esprit, et qu’il nous donne la joie de creuser sa Parole par nous-mêmes.
7. Applications spécifiques au sein du mouvement GBU
A. Interrogation de l’IA pour réaliser des DAB
● Objectif : Éviter de dépendre de l’IA dans la préparation des DAB
● Directives :
○ Utiliser l’IA pour la préparation des DAB de manière parcimonieuse. L’usage excessif de modèles génératifs, même en étant éclairé du Saint-Esprit, amène à la paresse intellectuelle.
○ Toujours confronter les réponses générées par IA à la Bible. Au même titre que n’importe quel commentaire sur Internet, elles ne sont pas paroles d’Évangile.
○ Transmettre les bonnes pratiques d’utilisation de l’IA par exemple au cours de formations à la DAB, d’un week-end régional, ou même d’entrevues informelles
B. Génération d’images
● Objectif : Limiter l’usage de l’IA pour générer des images pour les communications GBU (tracts, visuels, vidéos, etc.).
● Directives :
○ Privilégier de déléguer la création de visuels à des bénévoles compétents plutôt qu’à l’IA, si possible.
○ S’assurer que les images générées ne reproduisent pas des œuvres protégées sans autorisation.
○ Tenir compte du coût écologique des IA en ligne génératives d’images, largement supérieur à celui de la génération de texte, et n’utiliser la génération d’images en ligne que lorsque cela est vraiment nécessaire.
C. Recherches d’informations
● Objectif : Éviter les erreurs lors d’une recherche d’information dues aux biais et hallucinations de l’IA.
● Directives :
○ S’assurer que les questions posées à l’IA sont claires et précises.
○ Recouper les informations avec d’autres sources d’informations fiables.
○ Documenter les sources et les méthodes utilisées pour vérifier les informations pour les sujets sensibles (ex. : questions juridiques)
D. Confidentialité des données
● Objectif : Protéger la confidentialité des données lors de l’utilisation de l’IA.
● Directives :
○ S’assurer que les données sensibles ne sont pas partagées avec des systèmes d’IA non sécurisés.
○ Utiliser des outils d’IA conformes aux réglementations sur la protection des données (comme le RGPD).
○ Sensibiliser les membres à l’importance de la confidentialité et aux meilleures pratiques pour protéger les données.
○ Demander l’autorisation des participants à une réunion avant d’activer tout système de synthèse automatique par IA.
E. Reformulation de documents
● Objectif : Garantir la fidélité et la traçabilité des documents reformulés.
● Directives :
○ Relire attentivement les documents reformulés pour s’assurer qu’ils conservent le sens original.
○ Utiliser des outils de vérification grammaticale et stylistique pour compléter la reformulation.
○ Conserver les versions originales des documents pour référence future.
○ Utiliser de manière parcimonieuse l’IA pour la rédaction de rapports non confidentiels (membre du CEE), sans nommer ni les personnes, ni les groupes locaux, ni l’association.
F. Personnalisation d’emails
● Objectif : Garantir des communications par email cohérentes et respectueuses.
● Directives :
○ Vérifier le contenu des emails personnalisés pour s’assurer qu’ils sont appropriés et respectueux.
○ Utiliser des modèles d’emails approuvés pour garantir la cohérence et la qualité des emails envoyés.
○ Toujours obtenir le consentement des destinataires avant d’utiliser leurs données pour la personnalisation.
G. Outils de visioconférence (ex. : Zoom) pour créer des PV de réunions
● Objectif : Garantir l’exactitude des procès-verbaux de réunions.
● Directives :
○ Demander l’autorisation des participants à une réunion avant d’activer tout système de synthèse automatique par IA.
○ Relire immédiatement les PV générés par l’IA pour corriger toute inexactitude.
○ Valider les PV avec les participants de la réunion pour s’assurer qu’ils reflètent fidèlement les discussions.
